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  • Rabih Mroué, Noiseless (Missing People), 2008

    Rabih Mroué, Noiseless (Missing People), 2008

  • Rabih Mroué, I, The Undersigned (2007)

    Rabih Mroué, I, The Undersigned (2007)

  • Rabih Mroué, Noiseless (2008)

    Rabih Mroué, Noiseless (2008)

  • Rabih Mroué, Face A Face B (2001)

    Rabih Mroué, Face A Face B (2001)

  • Rabih Mroué, On Three Posters (Reflection on a performance in video with writer Elias Khoury) (2000)

    Rabih Mroué, On Three Posters (Reflection on a performance in video with writer Elias Khoury) (2000)


Rabih Mroué (Beyrouth)


6 janvier au 4 février 2011

Salle Fernand-Seguin de la Cinémathèque québécoise

Dans un ordre revenu. Rien d’autre ne peut m’arriver que d’exister. – Marguerite Duras, Hiroshima mon amour

Rabih Mroué a débuté sa pratique au début des années 90 dans le Liban de l’après-guerre. Axé sur la représentation de la mémoire tant individuelle que collective, son travail s’interroge finalement sur la valeur de la vérité, les faits et la fiction, leur représentation et par extension leur médiatisation. Dans les œuvres vidéo ici réunies, Mroué fait figure de témoin, de chroniqueur, de narrateur et met en jeu le rôle de l’artiste dans un contexte sociopolitique porté à son paroxysme par une absence de consensus tant sur le passé que sur l’avenir de son pays.

Déployant un discours très actuel sur la représentation, Mroué soulève la question du réalisme et des diverses formes de médiation entre le sujet, le propos, de même que l’instigateur de la représentation ou son incarnation et le monde. Les œuvres de Mroué dissèquent, déconstruisent et accentuent des bribes du passé récent du Liban et, en brouillant les pistes entre identités individuelle et collective, en effacent toutes traces tangibles. Fondamentalement, l’artiste cherche à faire sens du présent plutôt que de l’histoire en adoptant une position délibérément subjective, toujours proche de son histoire personnelle. En donnant forme sur le plan esthétique au politique, Mroué propose une alternative à l’histoire. Une bifurcation de celle-ci hors des systèmes narratifs usuels – voire autorisés – qui va à l’encontre de ce que plusieurs ont nommé « l’amnésie sélective » officielle. Une alternative à l’histoire aussi propre, puisqu’elle contextualise la violence actuelle, à offrir un contrepoint à la couverture médiatique partielle des pays de l’Ouest. Comment raconter autrement que par une subjectivité médiatisée l’histoire d’une violence récurrente refoulée ? Violence qui s’insinue au quotidien et perpétue sournoisement un climat d’incertitude, d’anxiété. Anxiété qui n’émane pas nécessairement de la guerre ou de son souvenir, d’un présent endeuillé, mais plutôt de l’institutionnalisation des méthodes de documentation de l’histoire posées comme représentations objectives.

Ainsi, ce n’est pas la contemporanéité du moment relaté qui nous intéresse dans les œuvres de Mroué mais plutôt la reconstruction médiatisée, subjective, de la réalité, seule apte à exposer une certaine vérité, à infléchir sa propre légitimité.

Tu n’as rien vu à Hiroshima, rien. J’ai tout vu. Tout… Tu n’as rien vu à Hiroshima. Je n’ai rien inventé. Tu as tout inventé. Tu n’as rien vu à Nevers, rien.

Tu n’as rien vu à Beyrouth, rien.

Installation, vidéo et bannière, Agora de la Cinémathèque québécoise

Noiseless (2008)
Une coupure de journal relate les circonstances de la disparition de Rabih Mroué. Un portrait de l’artiste, s’assimilant au lot des disparus, s’estompe graduellement, entre absence et présence, pour laisser place à d’autres disparitions. Les traces douloureuses du passé s’estompent graduellement, jusqu’à être totalement oblitérées de la mémoire sociopolitique.

+ Programme vidéo, salle Fernand-Seguin
Durée 55 minutes, en version originale arabe avec sous-titres anglais

Face A Face B (2001), 10 min
De retour de Cuba, Manuel, le frère de Mroué, a écrit en 1978 une chanson sur un air russe. Le jeune Rabih et lui l’ont répétée, enregistrée, puis envoyée à leur frère Abou Salam, alors installé en URSS. Un film métaphysique sur la nature de la mémoire et du savoir, de la vue et du son, de la preuve et de l’identité, du souvenir et de la survie.

With Soul / With Blood (2003), 11 min
Ayant rêvé à maintes reprises qu’il tombait sans jamais s’écraser, Rabih Mroué émet l’hypothèse que si, en rêve, le corps touche effectivement le sol, on meurt dans la réalité. L’artiste et écrivain Jalal Toufic postule plutôt que si le corps endormi n’atteint jamais le sol, c’est qu’il est cadavérique et que sa chute par conséquent sera infinie.

I the Undersigned (2007), 7 min
La guerre civile a officiellement pris fin au Liban en 1990 et jusqu’à aujourd’hui, aucun des responsables, dont certains toujours au pouvoir, n’a présenté ses excuses au peuple libanais. Comme nombre de ses concitoyens, Rabih Mroué a attendu ce moment en vain. Il y va donc ici de ses propres excuses pour ce qu’il a fait durant la guerre. Entre confession et excuses la différence est grande, et ceci n’est pas une confession.

On Three Posters (Reflection on a performance in video with writer Elias Khoury) (2000), 18 min
Œuvre réalisée à partir de trois prises d’un testament vidéo, à l’origine destiné à la télévision, enregistré par un kamikaze du Front national de la Résistance libanaise (1982-1987) juste avant de commettre son attentat. Une réflexion, une discussion sur les difficultés rencontrées par Khoury et Mroué lors des représentations sur scène de On Three Posters.

What We Know of Beginnings (2003), 2 min
Loin du culte du souvenir, d’une tentative de mémorial, cette œuvre se fonde sur la représentation et le récit comme gestes politiques. Rabih Mroué en dit : Je ne raconte pas afin de me souvenir. Au contraire, je le fais pour m’assurer que j’ai oublié. Ou à tout le moins pour m’assurer que j’ai oublié certaines choses, que celles-ci ont été effacées de ma mémoire.


Acteur, metteur en scène, dramaturge et artiste, Rabih Mroué (1967) est établi à Beyrouth, où il est né. Entre théâtre, performance et arts visuels, sa pratique multiple et complexe conjuguant disciplines et formats divers a fait de lui une figure clé au sein de la nouvelle génération artistique du Liban. Abordant sa réalité immédiate au moyen de la fiction et de l’analyse rigoureuse, Mroué explore la question de la responsabilité de l’artiste communiquant avec le public dans un contexte politique et culturel donné. Ses œuvres abordent les cicatrices persistantes laissées par la guerre civile et les récents événements politiques au Liban, questions balayées sous le tapis dans le climat politique prévalant actuellement. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions, notamment au BAK Utrecht (Pays-Bas), à Performa 09 (New York), à la biennale d’Istanbul 2009, au Queens Museum of Art (New York), au Casino Luxembourg, au Centre Pompidou et à la Tate Modern (Londres). Mroué est le récipiendaire 2010 d’une bourse de la Foundation for Contemporary Arts (New York) ainsi que du Spalding Gray Award.

Dazibao remercie l’artiste et la Galerie Leonard & Bina Ellen de leur généreuse collaboration ainsi que ses membres pour leur soutien.




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