Photographie + Performance : Shoot (Montréal)
15 avril au 22 mai 2004
Adad Hannah, André Lemke, John Marriott, Shelley Niro, Judy Radul, Ana Rewakowicz, Alana Riley, Chih-Chien Wang, Chris Wildrick
Commissaires: Michèle Thériault et France Choinière
Photographie et performance : SHOOT est le second volet d’un projet en trois parties organisé par les commissaires Michèle Thériault et France Choinière. Les œuvres rassemblées pour cette exposition témoignent de la photographie en tant que sujet et objet de la performance, de la photographie comme accessoire de la performance et de la photographie comme résultante d’une action autrement éphémère ou intangible, sans trace.
Dans Documents for Performance, Judy Radul utilise la performance à des fins photographiques. Par exemple, dans Theatrical, Radul complètement nue s’installait dans le coffre arrière d’une voiture pour être conduite de sa maison de Vancouver jusqu’aux abords de la rivière Fraser dans la banlieue de Richmond. Pour ce voyage photographique inusité, le flash d’une caméra était sa seule source de lumière. Les Stills de Adad Hannah consistent en des tableaux vivants qui occupent aussi un espace particulier entre image enregistrée et performance. Sans aucun montage ni ralenti, ces vidéos silencieuses livrent l’immobilité en temps réel. Dans la série de douze triptyques intitulée This Land is Mime Land, Shelley Niro incarne divers personnages familiers : le Père Noël, Elvis, Marilyn Monroe, etc., qu’elle juxtapose à sa “vraie” identité. Niro examine ainsi comment certaines icones culturelles peuvent influencer la construction d’une identité féminine et d’une identité aborigène moderne. La performance n’existe ici encore que pour l’image.
I Am Very Disappointed, une présentation Powerpoint réalisée par André Lemke, raconte l’histoire d’objets qu’il a mépris pour d’autres; par exemple, le soulier qu’il a d’abord pris pour une main démembrée, un fabuleux collier de perles qui s’avère n’être, après examen, qu’une vieille chaîne, etc. L’artiste y décrit son moment de découverte et sa rapide déception. Pour Lemke, la photographie est à la fois témoin de ses longues heures d’errance urbaine, qu’il considère en soi comme un acte performatif, et accessoire de performances ultérieures où il narre ses diverses déceptions. John Marriott utilise également la photographie en tant qu’accessoire, levier à la performance. Dans Picture yourself on the moon, il invitait des passants à se faire photographier sur la surface de la lune. Chaque participant recevait ensuite par la poste une photographie de sa “visite” sur la lune. Sous un autre mode, Ana Rewakowicz intègre aussi le spectateur à ses travaux. Dans To Scale, après avoir réalisé un moulage en latex d’une pièce de son appartement, l’artiste demande à des gens de porter l’objet en montant sur un pèse-personne. Action qu’elle photographie et qui devient œuvre. Alana Riley, pour sa part, performe dans ses œuvres en se photographiant en compagnie d’étrangers qu’elle invite à s’allonger sur elle. Une fois en position, elle appuie sur le déclencheur souple. Intitulée Support System, la série de Riley témoigne d’un rapport à l’autre non sans connotation sociale ou sexuelle.
Toutes les performances sont éphémères mais certaines sont presque invisibles. Les accumulations d’autoportraits de Chih-Chien Wang — des instantanés de format 4×6 développés à la pharmacie du coin — ritualisent des banalités quotidiennes. Avec Counting, se photographiant trois fois par jour au même moment sur une très longue période de temps, Wang fait de l’acte de se photographier une performance. Empruntant l’allure de pochettes de disque, les affiches de Chris Wildrick à la fois annoncent et documentent des performances aussi sans manifestation publique. Pour Lend Me a Copy of Your Most Hated Song on CD and I’ll Love It by the End of the Night, Wildrick a placé une annonce invitant les gens à lui apporter un enregistrement de la chanson qu’ils détestent le plus. Il a ensuite écouté toutes ces chansons à répétition, inlassablement, jusqu’à s’en imprégner et pouvoir ainsi dire qu’il avait réussi à se forcer à les aimer, qu’elles soient punk, folk, ou classique.
Les neuf artistes, émergeants et établis, réunis ici ont intégré dans leurs pratiques respectives les stratégies et les enjeux tant de la performance que de la photographie pour créer des œuvres hybrides, d’une forme nouvelle, à l’intersection des deux disciplines.
Dazibao remercie les artistes de leurs génereuses contributions, de même que Display Cult (Jim Drobnick, Jennifer Fisher).
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